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A quoi servent les régions françaises ? L’AMI HEBDO N° du 22 septembre 2024

A quoi servent les régions françaises  ?    L’AMI HEBDO N° du 22 septembre 2024

L’association Régions de France (ARF), qui tiendra son congrès à Strasbourg les 25 et 26 septembre, se décrit comme  un « réseau d’influence » qui représente ces collectivités auprès des pouvoirs publics

Elle regroupe les 13 régions métropolitaines, la collectivité de Corse et cinq collectivités d’outre- mer aux caractères spécifiques. A l’automne 2023, Départements de France avait déjà tenu son congrès à Strasbourg et apporté un appui remarqué au projet de transformer la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) en région à statut particulier. Cette année on célébrera plus probablement les réussites et la puissance des régions fusionnées, particulièrement du Grand Est.

Ce type de manifestation a ses rites. Des ateliers thématiques permettent d’échanger des expériences ou d’analyser des problématiques propres aux régions. La résonnance médiatique s’obtient par les discours très politiques des dirigeants, généralement en présence de représentants du gouvernement, qui vantent les réalisations des collectivités et présentent une liste récurrente de doléances : trop de charges et de réglementations, pas assez de ressources.

L’association a publié en mai 2022 un livre blanc, Vers une ré- publique de la confiance, où elle propose d’ambitieuses extensions des pouvoirs des régions, y compris par une réforme constitutionnelle, mais sans toucher aux structures existantes et sans s’interroger sur les finalités de l’institution régionale.

Des régions nées sans projet régional

Pourtant, les régions françaises, qui n’existent comme collectivités territoriales que depuis 1986, restent des institutions inachevées dont la fonction dans l’appareil public n’a jamais été clairement explicitée. Lorsqu’elles ont été mises en place à partir de 1982 elles n’avaient ni compétences, ni personnel, ni services. Mais ni alors, ni depuis, aucune étude méthodique n’a cherché à définir une adéquation entre territoires, missions et ressources en partant de finalités clairement affichées, car aucun parti politique n’a de vision sur ces sujets. La réforme bâclée des fusions en 2015 en est l’illustration caricaturale.

Le découpage initial en circonscriptions d’action régionale a été réalisé entre 1957 et 1959 pour les besoins de l’État. Institués en 1964, les préfets de région et les directions régionales des ministères constituaient un échelon de coordination et d’étude pour les politiques nationales : régionalisation du plan, aménagement du territoire, interventionnisme économique, équipements pour le développement urbain.

Lorsqu’il a fallu donner corps aux nouvelles régions on leur a collé les étiquettes déjà utilisées pour l’Etat (développement économique, aménagement du territoire …) alors même que ces politiques étaient remises en cause par l’évolution de la société et le droit européen.

Des compétences hétéroclites

Des compétences précises ont été attribuées au compte-gouttes, principalement par transferts de compétences de l’Etat, accessoirement de la SNCF, souvent en compétition avec les départements qui ont obtenu la part du lion dans ce qui fut purs marchandages. La liste des compétences régionales est ainsi sans cohérence, ni synergies. Citons les principales en gestion directe : TER, construction et entretien des lycées et gestion de leur personnel non enseignant, aides aux entreprises et élaboration de divers schémas d’une portée variable. Elles interviennent dans de nombreux autres domaines, essentiellement par des subventions, souvent en parallèle avec les autres collectivités locales ou l’Etat : tourisme, culture, sport, développement durable, agriculture…

La plupart de ces missions pourraient être exercées par les départements ou les intercommunalités. Il est donc difficile d’y voir les fondements d’un puissant pouvoir qui exprimerait la personnalité et les intérêts spécifiques de la collectivité régionale. Les grandes régions ont ag- gravé la déstructuration de l’institution en accentuant les disparités internes qui exigent de juxtaposer de multiples politiques intrarégionales. Car que signifie- rait une politique du tourisme ou de l’économie pour Alpes et Au- vergne, Pyrénées et Languedoc, Vosges et Ardennes ?

Une fragmentation des financements

Pour donner un peu de substance à des politiques régionales d’ensemble la loi a chargé les régions d’établir divers schémas, parfois en collaboration avec l’Etat, destinés à fixer des trajectoires pour les acteurs publics et privés concernés. D’une force juridique inégale, ces brillants et coûteux exercices de technocratie ont une faible prise sur la réalité car la région a peu d’outils pour les faire respecter.

Les régions avaient des impôts similaires aux départements et aux communes, qui ont été progressivement supprimés et remplacés par des dotations s’ajoutant à celles qui compensent les charges des compétences transférées par l’Etat. Les autorités régionales ont ainsi perdu tout pouvoir fiscal, hors la taxe sur les cartes grises. Et la multiplicité des dotations complique leur gestion. Une consolidation a toutefois été opérée depuis 2021 par l’attribution d’une part de TVA (calculée en 4 fractions !) qui représente dorénavant leur ressource principale ; il y a également un partage de la TICPE. Cette TVA figure dans les documents budgétaires régionaux comme impôt alors qu’il s’agit d’un prélèvement sur les recettes de l’Etat indexé sur le produit de la TVA, qui aggrave d’autant le déficit de l’Etat et donc son besoin d’emprunts. Admirable tour de passe-passe !

Des mastodontes administratifs pour n’avoir pas de régions politiques ?

Les budgets des régions représentent environ 40 Mds , soit un peu plus de la moitié de ceux des départements et un peu plus du quart de ceux du secteur communal. Elles emploient 100 000 agents, soit 5% de la fonction publique locale. Leur poids dans le système territorial est donc modeste. Elles tirent cependant une grande force de leurs marges financières qui leur permettent d’entrer dans de nombreux cofinancements avec les autres collectivités et l’Etat, qu’elles utilisent comme instruments d’influence. Il n’existe aucune définition juridique des régions, même en droit européen. Géographes, économistes et politistes en ont cependant décrit les caractères essentiels : un territoire bien identifié, une métropole à fort rayonnement, un sentiment d’identité chez la population, une histoire et des traits culturels et économiques distinctifs. Peu de régions françaises remplissent ces conditions et aucune de celles qui ont été fusionnées.

Communauté vivante et solidaire ou simple cadre administratif

Le législateur peut nommer région ce qu’il décide en optant, schématiquement, entre deux conceptions. Dans l’une, défendue par les partisans des régions fusionnées, l’institution est un simple cadre institutionnel dans lequel sont gérées des affaires publiques discrétionnairement définies par la loi. Dans l’autre, la région est une communauté vivante, façonnée par l’histoire et la géographie, reconnue par la loi et où s’exercent des solidarités entre des acteurs qui ressentent des intérêts communs et qui organisent leur coopération en conséquence.

Avec des régions dans leur format actuel, la classe politique française, toutes couleurs confondues, a choisi la première formule, c’est-à-dire le refus de véritables régions. Le Grand Est en offre la parfaite illustration.

Robert Hertzog               22 septembre 2024

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