L’affaire OLCA ou l’impossible cohabitation de l’Alsace et du Grand Est
par Robert HERTZOG, secrétaire général du Mouvement pour l’Alsace (MPA). Article publié dans l’AMI HEBDO daté du 8/9.
La démission de cinq conseillers régionaux du Conseil d’administration de l’Office pour la Langue et les Cultures d’Alsace et de Moselle (OLCA), lors de sa séance du 27 août et la publication, dans la foulée, d’un communiqué du président de la région Grand Est confirmant que celle-ci se retirait de cette association, sont une nouvelle démonstration de la nécessité d’ériger la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) en région de plein exercice, sortie du Grand Est. Les motifs invoqués par les élus régionaux sont dérisoires. Ils prennent prétexte du fait que le président de l’OLCA, Victor VOGT, a mentionné cette fonction, parmi ses autres titres, lors de sa campagne électorale aux législatives de juin dernier, ce qui constituerait, selon eux, une intolérable politisation de l’association. Il est pourtant de pratique courante que les candidats à des élections fassent connaître leurs qualités et affichent leurs engagements dans la société civile, dans des associations sportives, culturelles, caritatives, environnementales ou autres. Personne ne peut voir là une politisation de l’organisme en cause. Informer qu’on est notaire, agriculteur, professeur de collège ou président de club de football ne donne aucune couleur partisane à ces activités. Se démettre théâtralement des fonctions d’administrateur, avec menace sur le soutien financier futur de la région à l’OLCA, est donc totalement disproportionnés et constitue la vraie politisation. C’est même pure gesticulation puisque les subventions votées pour 2024 ne peuvent plus être retirées ; ce serait illégal et constituerait un délit pénal. Et l’an prochain l’OLCA change de statut, auquel la région accepterait de participer.
Tempête dans un verre de riesling, donc ? En partie, mais l’affaire prend une autre dimension si on la situe dans son historique.
En effet, en juin, en pleine campagne des législatives, les mêmes conseillers régionaux avaient cosigné avec le président de la région Grand Est, Frank LEROY, une lettre adressée au président de la CEA, F. BIERRY, lui demandant que Victor VOGT démissionne de ses fonctions à la tête de l’OLCA, à défaut de quoi les représentants la région démissionneraient du conseil d’administration de l’organisme car ils ne sauraient « associer la région et ses financements à une association présidée par un élu Unser Land ».
Cette missive cumulait les étrangetés. V. VOGT n’est pas membre de ce parti. Il est très singulier que des élus régionaux interférent dans une compagne législative. Très étonnant est l’envoi de l’exigence de démission au président de la CEA et non à l’intéressé. Dans une lettre ultérieure F. LEROY avance le piteux argument que V. VOGT est aussi conseiller d’Alsace alors que le président d’une collectivité territoriale n’a pas autorité sur un membre de l’assemblée pour une fonction obtenue par élection dans un organisme indépendant de la collectivité. C’était donc pure manœuvre pour créer une querelle artificielle avec le président de la CEA.
On passe à un registre franchement scandaleux en lisant les motifs invoqués à l’appui de cette démarche. Il était reproché à V. VOGT, candidat sous l’étiquette LR, d’avoir le soutien du parti régionaliste Unser Land. Affirmer que cela délégitime pour garder la présidence de l’OLCA et doit remettre en cause le soutien financier de la Région à l’association révèle une incroyable intolérance politique et un mépris cynique pour les valeurs de la démocratie alimentés par la détestation des défenseurs de la cause alsacienne.
Les présidents des trois associations MPA, ICA et CPA ont écrit au président de la région Grand Est le 9 juillet 2024 pour lui exprimer leur consternation et leur réprobation et pour lui demander d’exposer les motifs justifiant l’ostracisme prononcé à l’égard d’un parti politique intégré à la vie politique de longue date. Ils ont également signalé que couper les subventions accordées par une collectivité publique pour des motifs politiques est susceptible de constituer le délit de discrimination (code pénal, art. 225-1, 432-7).
Si à la date d’aujourd’hui aucune réponse n’a été réceptionnée, cette lettre aura au moins eu comme effet de faire abandonner l’indéfendable argument Unser Land. Toutefois, comme la région tenait à entretenir son artificielle querelle elle a sorti du chapeau un nouveau prétexte pour exiger la démission du président de l’OLCA. Dans une lettre adressée par F. LEROY au président BIERRY, ainsi que dans la déclaration de démission des conseillers régionaux est invoqué le fait que V. VOGT a mentionné sa fonction à l’occasion de la campagne électorale
Le caractère fallacieux et inconsistant des arguments avancés, la volonté manifeste d’aller à la crise obligent à faire des hypothèses sur les véritables objectifs poursuivis. A l’évidence est visée l’institution OLCA, qu’on cherche ainsi à affaiblir. A défaut de trouver des critiques à son égard on s’en prend aux personnes en montant de toutes pièces une polémique factice, méthode politicienne bien rodée. La région supporte probablement mal le dynamisme de l’association sous l’impulsion de son jeune président et la concurrence ainsi faite au fumeux projet d’identité grand’estienne. Une stratégie plus élaborée consiste peut-être pour la région Grand Est à vouloir utiliser sa force de frappe financière sous son drapeau et à ses conditions pour mener sa propre politique en matière de culture alsacienne, en compétition frontale avec la CEA et d’autres acteurs alsaciens. Cela semble bien ressortir de l’annonce des élus régionaux que le financement des associations alsaciennes sera maintenu.
Voici donc un spectacle inédit : une politique de culture, de langue et d’identité alsaciennes conçue et menée par une institution dont près des deux tiers des conseillers sont Lorrains et Champardennais. On est en plein dans la logique de l’absurde Gand Est. Ces jeux politiciens proliféreront dans tous les domaines où cette collectivité intervient conjointement avec la CEA (culture, sport, tourisme, environnement, transfrontalier, etc.) au détriment d’une bonne gestion publique. Car en quoi cela bénéficie-t-il à l’intérêt public et au service des citoyens ?
La seule manière d’en sortir est d’attribuer enfin à la CEA les compétences et le statut de région afin d’en finir avec cette cohabitation toxique. Malgré un contexte politique national délétère, il faut garder le cap sur cet objectif.