Grand Est : grande régression
Beaucoup d’Alsaciens s’étaient félicité de la démission du président J. Rottner, tant celui-ci incarnait le refus de la Région Grand Est d’accepter une transformation de la Collectivité européenne d’Alsace en vraie région, et avaient donc nourri des rêves de changement.
Les déclarations de Frank Leroy, maire d’Epernay, élu le 13 janvier président du Grand Est, nous ramènent à la froide réalité. Personne n’espérait une modification radicale d’orientation de la part de celui qui était premier vice-président dans l’équipe précédente, mais on attendait un ton neuf d’un élu qui se prétend homme de dialogue et d’esprit libre, d’autant que la Région est à un moment charnière. La deuxième démission d’un président en exercice et les conditions de celle-ci ne peuvent pas rester sans conséquences. L’opinion alsacienne très majoritaire reste déterminée à obtenir le rétablissement d’une région ; après les élections législatives, plus aucun parlementaire alsacien ne milite pour le Grand Est ; cinq propositions de loi, dont deux signées par des élus lorrains, sont déposées au Sénat ou à l’Assemblée nationale. Le statu quo étant manifestement inacceptable, il faut construire l’avenir.
Le président de la CEA, F. Bierry, avait tenu des propos bienveillants et de dialogue au candidat Leroy et le sénateur A. Reichardt, président du MPA, avait demandé aux deux candidats à la présidence s’ils étaient en faveur d’une confrontation avec l’Alsace ou s’ils privilégieraient une coopération apaisée avec la CEA et une réflexion sereine sur l’avenir du Gand Est. La réponse du nouveau président, largement reproduite par la presse, est une sèche fin de non-recevoir. Après avoir fait l’éloge de son prédécesseur, il décrit en termes dithyrambiques les prétendus avantages de la grande région et déclare qu’une sortie de l’Alsace serait un recul et une régression.
Pour l’Alsace la régression a commencé dès la fusion des régions. Outre tout ce qu’elle avait déjà perdu, elle perd aujourd’hui toute influence au sein d’un exécutif régional mené par un tandem champenois et lorrain. La véritable image du Grand Est apparaît maintenant dans ce basculement des équilibres territoriaux au détriment de sa composante la plus dynamique. Strasbourg, qui a vu se délocaliser des dizaines d’organismes publics et privés, n’est plus le lieu de réunion du Conseil régional et de l’assemblée du CESER, rarement celui de commissions, ne verra sans doute pas souvent le président de la Région. Ce chef-lieu fantôme abritera juste encore des bureaux.
La défense du Grand Est se fait sur des litanies de désinformations. Non, les élections régionales n’ont pas clos le débat sur le périmètre. Non, la fusion des régions n’a pas apporté davantage d’argent, c’est l’ensemble des régions qui a vu ses budgets augmenter. Non, la crise du COVID n’a pas démontré la pertinence du GE, car la région n’a aucune compétence en matière de santé et la pléthorique Agence Régionale de Santé, implantée à Nancy, a été d’une exceptionnelle inefficacité. Non, la région n’a pas fait progresser la démocratie puisqu’elle foule aux pieds la volonté des deux tiers des Alsaciens et méconnaît l’opinion de 58% des Champenois et Lorrains. On pourrait multiplier les exemples à l’infini.
Alors que faire ? A leur entêtement, opposer celui des Alsaciens qui peut être de bonne qualité. Y ajouter enfin une solide union de toutes les forces politiques, économiques et sociales de l’Alsace. Exiger du pouvoir central qu’il prenne ses responsabilités et mette en accord ses actes avec les déclarations entendues en 2022. Éclairer l’opinion lorraine et champenoise de la réalité de nos revendications et de la communauté de nos griefs vis-à-vis du Grand Est. Aider certains responsables politiques de ces régions à réfléchir à des alternatives qui leur ouvriraient, à eux aussi, un avenir.
Ultime remarque et dernier avertissement. Le refus d’entendre la voix du peuple, le mépris affiché pour des revendications qualifiées de populistes ouvrent un boulevard à l’alternance politique dans la région. Les citoyens entendent les promesses claires et concrètes faites par d’autres partis et estimeront n’avoir plus rien à perdre, ayant perdu toute confiance dans nombre de leurs élus.