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Alsaciens, avons-nous encore de la fierté ?

Alsaciens, avons-nous encore de la fierté ?

Les Alsaciens en ont assez de se faire rouler dans la farine. Leur exigence de transformer la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) en région à part entière est traitée par les dirigeants de l’Etat et par ceux du Grand Est (GE) d’une manière devenue insupportable. Le rapport du député Eric Woerth sur la décentralisation en France, enfin publié par l’Elysée après quatre semaines pour des remaniements, est le dernier exemple du manque de considération porté aux attentes et propositions d’une vaste majorité d’Alsaciens et de leurs représentants élus.

Voilà un Président de la République qui, lors de sa campagne électorale de 2022, avait eu des paroles d’ouverture sur l’avenir institutionnel et qui, ce 26 avril 2024, annonce froidement qu’il ne sera pas touché à l’absurde Grand Est devant des parlementaires de sa majorité qui avaient déposé une proposition de loi en faveur d’une région Alsace. Venu pour soutenir le statut européen de Strasbourg, il renforçait ainsi une collectivité qui a vidé notre métropole de dizaines de centres de décision et l’a déclassée dramatiquement sur le plan politique et administratif. Il est vrai que les deux principales dirigeantes de la métropole ont participé à une opération de sabotage de la création d’une région Alsace en signant, le 25 avril, une lettre de maires, majoritairement lorrains et champenois, demandant au Président de la République de refuser la demande des Alsaciens.

Face à la colère de Frédéric Bierry, le Président a improvisé une procédure dilatoire en demandant à la Préfète de région de réunir les présidents du GE et de la CEA afin de convenir des pouvoirs que la région serait disposée à céder à la CEA. Bien qu’aucun des deux n’ait compétence sur un tel sujet, Frédéric Bierry a joué le jeu et présenté des contre-propositions visant à concevoir, en commun, de nouvelles administrations sur le périmètre du GE, qui auraient été un modèle pour le reste du pays. Or, F. Leroy n’a finalement accepté d’envisager que d’inacceptables et dérisoires délégations – et non transferts – très en retrait de ce qu’E. Macron avait suggéré. Ce débat s’est fait le 30 mai en visio-conférence car le président de la région, vu ses multiples casquettes, avait probablement d’autres priorités qui l’empêchaient d’être à Strasbourg ! Cela montre son intérêt pour le sujet et le degré de volonté pour négocier un avenir, malgré un statu quo devenu indéfendable. D’entrée de jeu, il était clair que cette procédure, destinée à amuser la galerie, ne pouvait aboutir.

Auparavant avait été torpillée la création d’une ligue d’Alsace de football, pourtant autorisée par la loi. Des manœuvres irrégulières, validées par la ministre des Sports, ont permis de rejeter un projet soutenu par la totalité des sportifs alsaciens objets, en sus, de propos insultants d’autres délégués. Ce résultat frauduleux a aussitôt été salué par le président du GE. Belle illustration des transferts partiels ! Et ces élus régionaux, qui veulent tant garder les Alsaciens à leurs côtés, et qui ne sont jamais avares de propos méprisants, voire insultants, à leur égard, ce dont la première vice-présidente de la Région s’est fait une spécialité. Sortons enfin de ce mariage forcé.

Paraît maintenant le rapport Woerth. Le député en mission a recueilli une foule de demandes de la part des officiels qu’il a auditionnés, chacun prêchant pour sa paroisse. Il en résulte un catalogue de 51 propositions éparses, sans vision et sans souffle, loin de la lettre de mission présidentielle qui fixait des objectifs de réforme ambitieux. Sur l’Alsace, de nombreux interlocuteurs avaient été entendus qui semblaient avoir convaincu le député de la nécessité d’un changement profond. Dans une version intermédiaire son rapport avait retenu le schéma de deux ou trois régions liées, dans quelques matières, par une entente ou un syndicat interrégional, solution claire et bénéfique pour tous. Il a suffi que le chef parle et qu’il y ait une entrevue de dernière minute avec le président du GE pour que cela soit remplacé, mot à mot, par les propositions d’E. Macron sur des transferts partiels, assurance d’une belle usine à gaz. Le piteux argument d’un risque de contagion à d’autres régions (qu’on sait donc également imparfaites et contestées !) avait pourtant été écarté par le MPA et par la CEA qui ont exposé des arguments propres à la seule Alsace et à Strasbourg.

Le rapport d’un autre ami du Président de la République, Boris Ravignon maire de Charleville-Mézières, sur le coût du mille-feuille administratif, rendu le 29 mai, est de la même veine. Il évalue le surcoût de l’enchevêtrement des compétences des administrations territoriales à environ 7,5 Md€ par an. Cet ancien vice-président du GE explique, toutefois, que simplification et clarification peuvent s’obtenir sans toucher à l’organisation administrative. Voilà qui ne convainc pas un seul expert, mais montre que le message présidentiel a été entendu.

Aurait-on fait n’importe laquelle des choses citées ci-dessus aux Corses ou aux Bretons ? Les Alsaciens vont-ils continuer à se faire balader ainsi ? S’isch halt a so ou bien Jetz langts ?

Nos parlementaires sont devant un choix simple : se courber devant un pouvoir autoritaire et solitaire, et préparer leur proche retraite, ou bien écouter le peuple qui les a élus et qui leur dicte leur conduite. Les associations régionalistes, elles, ne baisseront pas les bras. Elles ne feront pas sauter les camionnettes des gendarmes ou les grilles de la préfecture, ce qui réussit pourtant si bien ailleurs, mais continueront à combattre politiquement le Grand Est et ses suppôts, en démontrant la vacuité de la propagande sur ses prétendues valeurs ajoutées.

Il n’y va pas seulement du meccano institutionnel. Il y va de la démocratie, de la bonne gestion publique, de la défense de notre identité et de notre fierté, partie intégrante de cette dernière.

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